Plante ambivalente douce au toucher mais amère en bouche, l’absinthe entre dans la composition de multiples panacées comme de certains poisons. À petites doses, elle chasse notamment la bile noire, source de la mélancolie. En forte concentration, elle est abortive. Distillée avec l’anis et le fenouil, à partir de 1797, elle confère une finale âpre à un apéritif réputé délier l’imagination comme les cœurs. Cette aura lui attire les foudres des viticulteurs qui l’accusent de mener à la folie et obtiennent son interdiction en 1915. Dès lors, son mythe grandit et la Fée verte devient la muse, par excellence, des artistes. Les absinthes composées de simples des prés sont dites Suisses, Superfines, de Pontarlier ou de Fougerolles, autant de labels de qualité, équivalents à une A.O.C avant la lettre. Hélas, il n'en allait pas de même des copies vendues à vil prix à des consommateurs indigents, et véritables casse poitrine contre lesquels Émile Zola s'éleva à raison.