Retour sur la journée sur le rôle social des bibliothèques, qui a eu lieu le 10 septembre 2020 à Pont-Audemer, en partenariat avec la Médiathèque départementale de l’Eure.
10h-12h30 : Quel rôle social pour les bibliothèques aujourd’hui ?
Par Claude POISSENOT, enseignant et chercheur en sociologie à l’IUT (Institut Universitaire de Technologie) de Nancy- Charlemagne.
15h-16h30 : Éclairage sur des initiatives locales et nationales
Atelier 1 : La bibliothèque, lieu de citoyenneté
Avec Christophe Colin, ludothécaire à la ludo-médiathèque d’Étrépagny et Géraldine Lefèvre, directrice du réseau de lecture publique du Vexin normand (Fabrice Chambon, directeur médiathèque de Montreuil était absent).
Christophe Colin est issu de l’éducation populaire. Il travaille d’abord au service enfance jeunesse, avant de rejoindre la médiathèque.
Un lieu : Inspiré des bibliothèques 3ème lieu, le projet de médiathèque à Étrepagny porte le dessein de mettre en accord le support livre et le support jeu : écriture du projet d’établissement intégrant le jeu comme un des axes forts du projet (2e axe = numérique et 3e axe = action culturelle) avec une salle d’animation grande et équipée, et le recrutement d’un animateur multimédia et d’un ludothécaire.
Des moyens : Pour la bibliothèque, le pari d’une mixité des équipes a été fait, doublé de l’envie de s’adapter à la population. Les usagers et équipes ont besoin de « se voir », dans un esprit de partenariat. La discussion est ouverte, le public se sent valorisé d’être inscrit dans cette structure et a la sensation de faire partie d’une communauté.
Une visite privative est mise en place pour chaque usager, en fonction de ses besoins et attentes. Un travail de fond est réalisé sur la visite.
Un fonds de jeux adapté au territoire a été acquis. Il s’agit de jeux coopératifs ou smartgames avec échange verbal obligatoire. Le jeu est un grand vecteur d’échange, y compris intergénérationnel.
Les limites : Le rangement (il n’y a pas de surveillance dans tous les espaces), la centralisation permet un auto-rangement ; les seuils de tolérance des agents et des usagers !
Atelier 2 : Action sociale et lecture publique, comment travailler ensemble ?
« S.O.S. Paperasse » à Maromme, avec Marie Perrier, directrice de la médiathèque, & Brigitte Larchevêque, assistante sociale
« Paperasse Assistance » est une action menée par des assistantes sociales auprès des personnes présentes à la médiathèque ou qui viennent au rendez-vous mensuel programmé. 5 à 6 personnes sont présentes par séance.
Public touché : Beaucoup de personnes étrangères avec besoin d’accompagnement. Lorsque des demandes sont identiques, un groupe est constitué pour le traiter ensemble.
Ce partenariat est très apprécié par l’équipe de la médiathèque car les demandes des habitants sortent du cadre du métier de bibliothécaire et par les usagers qui bénéficient des services sur place dans un lieu neutre.
« Des Livres à soi », avec Ludovic Charrier, coordinateur du Réseau Territoire Lecture à la bibliothèque Alexis de Tocqueville
Cette opération s’adresse aux adultes a pour but de porter la co-construction de projets en direction des publics dit « éloignés » de la lecture. Initialement mis en place en 2014 en Seine-Saint-Denis, en 2017 à Caen grâce à un appel à projets, Des Livres à soi est une action de médiation à la littérature jeunesse et de soutien à la parentalité. Elle s’insère au sein des quartiers prioritaires mettant en lien plusieurs structures.
La mise en place du projet requiert des conditions : les partenaires sont formés à la méthodologie de projet et suivent la formation de formateur. Un calendrier est défini de janvier à juin et 20 familles sont mobilisées pour des ateliers. Des sorties sont également proposées en bibliothèque et en librairie (un chèque livre de 80 € par famille) et une entrée au Salon du Livre de la Jeunesse. Le projet est clôturé par un événement festif.
Avantages : Les ateliers sont axés sur l’animation, le décor et l’accueil ce qui permet de changer le rapport au livre. Ce projet est destiné aux adultes de manière très horizontale.
« Relais lecture » au Havre, avec Thomas Pelletier, responsable des relais-culture, Réseau Lire au Havre & Abdel-Hafed Chati, directeur de La Fabrique Centre social Pierre Hamet
Inscrits dans le projet Lire au Havre depuis 2012, les « Relais lecture » sont destinés à un public de proximité : des « mini bibliothèques » sont aménagées dans des centres sociaux avec des personnels non bibliothécaires. Chaque relais dispose d’un coordinateur, d’une équipe pour animer et d’un financement. La mise en place de cette action est difficile sur l’ensemble du réseau, mis à part au centre social La Fabrique qui s’en empare après un constat alarmant sur le quartier. La lecture est inexistante (livre est « objet de torture », avec la barrière de la langue, les difficultés d’écriture…). Le projet est alors repensé pour donner la place au Livre, en lien avec la direction des bibliothèques : « Comment donner envie ? »
Le Ludolect (contraction de ludothèque et lecture) est un jeu créé par le directeur du Centre social. Inspiré des techniques de jeux de mots de “l’Oulipo » pour « s’exprimer sur sa vie » et mettre en pratique tout en s’amusant, les règles de la lecture et de l’écriture, la partie consiste à choisir un univers parmi 4 proposés et d’avancer avec un dé.
Atelier 3 : accompagnement et insertion en bibliothèque, jusqu’où aller ?
L’accueil des migrants en bibliothèque par Mélanie Dallois, coordinatrice de la médiation à la bibliothèque Alexis de Tocqueville de Caen.
La médiathèque a ouvert sur la presqu’île en 2017, avec des migrants sur cette zone et deux structures sociales à proximité.
Comment se passe la cohabitation bibliothécaires-migrants ? L’équipe de la bibliothèque est majoritairement composée de femmes et les migrants d’hommes. Cela a provoqué des peurs et des tensions, notamment à cause d’un groupe d’albanais. A force de « pédagogie » et de présence dissuasive de bibliothécaires, la situation s’est améliorée. Un affichage spécifique a été mis en place. Les bibliothécaires disent bonjour dans d’autres langues et des cours d’anglais ont été mis en place afin d’accueillir correctement les publics allophones.
Des aménagements ont été nécessaires pour répondre à l’objectif : s’adapter concrètement à leurs besoins (repos, recharger un téléphone, aller aux toilettes, être au chaud, utiliser des ordinateurs pour leurs démarches administratives). Les migrants ont un attrait pour leur propre culture et les collections doivent être orientées dans ce sens. Le téléphone est autorisé au rez-de-chaussée (pour être en contact avec leurs familles restées au pays). Les jeux vidéo sont autorisés aux migrants la semaine et réservés aux enfants le week-end. Les Fatboy© inclus dans le projet d’établissement, ont dû être retirés, suite à des plaintes de personnes âgées. Les collections des tout-petits sont conseillées aux allophones, il existe également un guide du lecteur allégé.
Limites : un partenariat avec la Croix-Rouge a été refusé par le maire. Un inventaire des cours de français et de FLE pouvant accueillir et aider des publics allophones a été réalisé en 2018, mais non diffusée et perdue…
Les permanences emploi, par Katia Donnet, responsable du pôle actualité et de la médiation numérique à la bibliothèque de Sotteville-lès-Rouen & Juan Mas, chargé de mission Insertion Emploi à la ville.
Le volet social a été inscrit dans le projet de la médiathèque dès l’ouverture. La médiathèque propose un atelier FLE de 1er niveau avec une collègue formée, des démarches en ligne avec des collègues volontaires, des ateliers multimédia de niveau initiation, un café pour gérer les petits bugs. Une charte de l’aidant numérique est en cours. Dès 2018, la bibliothèque a reçu beaucoup de demandes d’accompagnement social, oppressantes pour le service. Cela a donné lieu à un partenariat avec les maisons citoyennes, sous forme de rendez-vous personnalisés à la médiathèque. Il existe un agenda partagé entre les maisons citoyennes et la médiathèque : les rendez-vous d’une heure sont renouvelés une fois. Cela permet de faire connaître la bibliothèque, d’autant plus que l’endroit est agréable pour le travailleur social et il permet à la personne de découvrir d’autres lieux que dans les locaux de structures sociales.