Agenda des événements autour du livre en Normandie
Cet agenda est collaboratif et non exhaustif. Normandie Livre & Lecture offre la possibilité aux acteurs du livre normand de référencer leurs événements sur cet agenda.
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Rencontre avec Emmanuel Lascoux
19 novembre à 18 h 00 - 19 h 00
L’Odyssée
Emmanuel Lascoux propose une nouvelle « version » du texte grec d’Homère à partir de son travail original sur le grec ancien qu’il rythme, chante, et crie depuis plusieurs années. Il dit lui-même : « J’ai voulu monter le son ou entendre davantage. » Il revendique de « jouer les langues anciennes » comme l’on joue de la musique. « On fait du grec, soit, mais on ne fait pas le grec. Imagine-t-on faire de la musique sans la faire ? » écrit-il dans l’avant-propos à sa traduction. Mais quels détours imposer au français aujourd’hui, quels mensonges lui permettre, quand la musique du grec s’est tue ? Emmanuel Lascoux propose ainsi cette « version française » très originale des 12109 hexamètres de l’Odyssée. Plutôt qu’imiter le vers grec antique inimitable, ou dévider une prose inchantable, cette Odyssée propose à tous, un texte à dire et à chanter. Renouant finalement avec les pratiques antiques du texte épique et du poème, dans un français très contemporain et d’une oralité retrouvée.
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L’Iliade
En avril 2021, Emmanuel Lascoux publiait sa « nouvelle version » de L’Odyssée d’Homère (P.O.L) qui créa la surprise. Il récidive aujourd’hui avec L’Iliade, dans une nouvelle traduction du texte grec d’Homère, à partir de son travail original sur le grec ancien qu’il rythme, chante et crie depuis plusieurs années. Cette épopée se déroule pendant la guerre de Troie entre les Achéens venus de toute la Grèce et les Troyens et leurs alliés, chaque camp étant soutenu par de multiples divinités comme Athéna, Poséidon ou Apollon. La « version » de Lascoux bouleverse également notre réception de cette épopée fondatrice. « Passez votre chemin, si vous cherchez la justice, écrit Lascoux dans une prodigieuse préface rédigée comme une dramaturgie sonore du texte homérique. Ici, tout est motif à protester, à sortir de ses gonds : la vie est doublement injuste pour les hommes, à commencer par sa fin, et à remonter toutes les frustrations qui la précèdent, et simplement injuste pour les dieux, si l’on en croit leurs sempiternelles protestations, et le rappel des mauvais moments de leur éternité. Le même Apollon, là, qui punit maintenant les Achéens, qui avantage les Troyens, rappelez-vous tout ce qu’il a souffert pour les bâtir, les murs de Troie, esclave de Laomédon, le père de Priam, avec l’autre grand coléreux, Poséidon, le dieu qui secoue terre et mer de ne pas avaler la manière dont Zeus et Hadès, ses deux frères, ont fait le partage au grand Yalta de la Seconde Guerre Cosmique. »
Cette « version française » de la célèbre épopée homérique réalise l’union paradoxale du plus grand respect du texte, et de la plus grande liberté de jeu, restituant en français contemporain le « phrasé » de la langue polyphonique de l’aède. Sans jamais oublier que dans l’antiquité grecque, dès l’épopée, « la musique réglait tout, jusqu’à la politique » (Lascoux), et l’aède était « le premier polyphoniste, l’homme-orchestre ». Comme Emmanuel Lascoux aujourd’hui.
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Poids des pianos
« Un piano ça pèse, des pianos encore plus. C’est l’une des conditions pour que ça sonne. Une mère aussi, ça pèse, peut-être pour la même raison. Mais quand la mère meurt, quel poids nouveau ? Et les passés, quel poids chacun ? Le mien, le sien, le nôtre, les Anciens, la langue et la musique survivante, les langues mortes. »
Emmanuel Lascoux propose un premier récit personnel, en forme de méditation poétique sur la langue et la perte. Texte non pas de deuil mais de constat : « perdu (sans) ma mère », écrit-il. Constat, de décès d’abord, celui de la mère. Mais en latin, constat, c’est ce qui consiste, ce dont c’est fait, l’instrument de musique comme la langue, ce que ça pèse, ce que ça vaut. Et chaque phrase vient mesurer ou peser ce qui reste, ce qui est. Sentir le poids toujours plus lourd, ou soupeser le toujours plus léger (vivre, écrire, jouer, dire). Le deuil pénètre la langue, bouleverse la narration : « Combien de jours nous reste-t-il après la mort ? » La musique, elle, persiste : « imaginez ce que ça fait de vivre avec. »
Le texte d’Emmanuel Lascoux est écrit sur l’arête entre prose et poésie. De multiples sons, langues et voix résonnent dans les phrases. On y entend autant Bach que Beckett : « Qu’elle, qu’on le veuille, un mot dit non, ou pas, et c’est comme ça que la phrase. Retour mortel, mieux. Comme on pense sans raison. Comme on vaut sans s’équivaloir. »
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Emmanuel Lascoux est helléniste, spécialiste d’Homère et de la diction antique, membre du Centre de recherche en Littérature comparée de la Sorbonne, professeur en classes préparatoires. Récitant, traducteur et pianiste, il travaille aux confins du langage et de la musique. Il a publié une nouvelle traduction de L’Odyssée d’Homère (P.O.L, 2021), et en même temps que ce récit il publie une nouvelle traduction de L’Iliade.